Pharmacie et bail commercial
15/10/2024
Temps de lecture : 10 min
Le bail commercial constitue l’un des contrats essentiels à l’exploitation d’une pharmacie puisqu’il organise les conditions d’occupation des locaux et les relations avec le propriétaire.

Bail commercial et officine de pharmacie : des enjeux importants
Les enjeux étant importants, il convient d’y prêter une attention particulière lors de sa conclusion et d’en négocier les clauses principales.
Ce contrat est susceptible de régir vos relations avec le bailleur pendant de nombreuses années et aura sans aucun doute des répercussions économiques sur votre pharmacie et éventuellement sur sa future cession.
La vigilance est donc de mise et le recours à un avocat spécialiste en la matière, plus que recommandée.
1. La durée
Le premier point essentiel à vérifier est la durée du bail commercial qui vous est proposée.
Par principe, un bail commercial est conclu pour une durée minimale de 9 ans avec une faculté de résiliation triennale au bénéfice du locataire (classiquement « le 3/6/9 »).
Toutefois, cette durée n’est que minimale et peut être aménagée à la hausse. Cela n’est cependant pas sans conséquence pour la pharmacie.
En augmentant la durée du bail, le propriétaire peut assurer la protection de ses intérêts notamment comme suit :
En prévoyant une durée ferme du bail : vous n’aurez plus la possibilité de résilier le bail tous les 3 ans et serez donc tenu de régler l’intégralité des loyers et charges dus jusqu’au terme du bail ;
En permettant un déplafonnement du loyer du bail renouvelé : un bail conclu pour une durée supérieure à 9 ans implique que le bailleur pourra fixer le loyer à la valeur locative lors du renouvellement du bail.
La stipulation d’une durée de 10, 11, 12 ans ou simplement de 9 ans et quelques jours doit ainsi vous alerter.
2. La destination
Deuxième point important : la destination des locaux, c’est-à-dire l’activité qui y sera exercée.
Il faut s’assurer que l’activité envisagée est assez large afin d’englober tous les aspects de la profession mais également ceux à venir (vente d’optique, audioprothèse, paramédical, orthopédie …).
Si le local est soumis au statut de la copropriété, il est nécessaire que le propriétaire vous fournisse le règlement et que ce dernier ne s’oppose pas à l’exploitation d’une pharmacie. A défaut, votre exploitation pourrait être interrompue.
3. Le loyer
Le loyer, est, sans aucun doute, le point central des négociations pour chaque partie.
Celui-ci peut être :
fixe (mais généralement indexé annuellement sur la base de l’indice des loyers commerciaux (ILC)) ;
variable, c’est à dire que le loyer sera fixé annuellement selon un pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé par le locataire ;
binaire. Dans ce cas, le loyer sera composé d’un minimum garanti auquel sera ajouté un variable additionnel calculé sur la base du chiffre d'affaires du locataire.
En tout état de cause, certaines adaptations peuvent être négociées avec le propriétaire, par exemple, lorsque la pharmacie doit réaliser des travaux pour son installation. Peuvent, notamment, être consentis, un loyer à paliers augmentant selon une périodicité ou une franchise de loyers.
Une clause d’indexation du loyer étant systématiquement stipulée, les pharmacies seront bien avisées de vérifier que l’augmentation annuelle sollicitée par le bailleur, a correctement été appliquée. Ce conseil est d’autant plus d’actualité que le gouvernement a bien en place depuis quelques temps, un « bouclier des loyers commerciaux » limitant temporairement lesdites augmentations à 3,5% d’une année sur l’autre.
Toujours en quête de sécuriser le paiement de ses loyers, le bailleur sera, en outre, susceptible de solliciter un dépôt de garantie ou encore une garantie extérieure (autonome de type GAPD ou accessoire de type caution personnelle). Dès la conclusion du bail, ces garanties ne sont pas anodines puisque certaines nécessiteront d’avoir de la trésorerie disponible et d’autres de régler des intérêts bancaires.
4. Les travaux
La répartition entre les parties
La clause visant les travaux ne doit pas être ignorée par le locataire puisqu’elle aura un impact certain sur l’économie générale du bail et les fonds qui devront être mobilisés à terme par ce dernier. En effet, cette clause laisse une place importante à la liberté contractuelle et peut donc être plus ou moins contraignante pour le locataire.
Souvent source de conflits, la charge des travaux doit aussi être répartie sans ambiguïté, et ce, de manière exhaustive : travaux de mise en conformité des locaux (sécurité, incendie, hygiène, performance énergétique, ERP…), vétusté, entretien, réparation, maintenance, etc.
En tout état de cause, les grosses réparations demeureront à la charge du bailleur, qui ne pourra pas s’y soustraire. Sont considérées comme telles, par l’article 606 du code civil « celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ».
La jurisprudence a néanmoins étendu les grosses réparations à celles qui intéressent « l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations d’entretien « sont celles utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble » (Cass. 3ème civ., 21/04/22 n°21-14.036).
L’autorisation des travaux
Les parties peuvent, dès la conclusion du bail, déterminer une catégorie ou une liste précise de travaux que le preneur sera autorisé à réaliser lors de son entrée dans les locaux. Cette autorisation est souvent nécessaire dans la mesure où la pharmacie a besoin de réaliser, a minima des travaux d’aménagements pour se conformer aux dispositions du code de la santé publique, voire des travaux de plus grande envergure lorsque le local doit être complètement rénové.
Il s’agit d’une autorisation essentielle à obtenir avant de réaliser tout travaux pour que cela ne génère pas de différend avec le bailleur qui pourrait se prévaloir de travaux non autorisés pour tenter de résilier le bail ou refuser le renouvellement sans avoir à verser d’indemnité d’éviction.
Il est également important de s’intéresser dès le stade de la rédaction du bail, à la procédure qui devra être suivie si vous souhaitez réaliser d’éventuels futurs travaux en cours de bail. Celle-ci peut être particulièrement contraignante.
Le sort des travaux
Une fois les travaux réalisés, leur sort doit également être déterminé.
« En fin de bail » ou « en fin de jouissance » ces formules ne sont pas sans importance. La date à laquelle le bailleur devient propriétaire des travaux, améliorations, constructions, embellissements ou aménagements réalisés par le preneur sera susceptible d’engendrer certaines conséquences comptables, fiscales ou encore sur le loyer, à l’occasion d’un prochain renouvellement du bail commercial.
En effet, selon la rédaction qui sera adoptée, le bailleur sera susceptible, ou non, de se prévaloir desdits travaux réalisés par le preneur, entièrement à ses frais, pour augmenter le loyer.
La clause d’accession est donc fondamentale tout comme la clause de nivellement qui pourra contraindre le preneur à remettre les lieux loués dans leur état d’origine, à savoir, celui existant à la conclusion du bail. Cette potentielle remise en état des lieux pourra impliquer un coût conséquent et inattendu pour le locataire, qui devra assumer la charge des travaux d’installation mais également ceux de remise en état.
Toutes précautions doivent être ainsi prises lors de la relecture de ces clauses.
5. La cession
La clause de cession doit impérativement attirer votre attention puisqu’elle peut être redoutable et particulièrement bloquante pour l’avenir de votre pharmacie.
Par principe et l’absence de toute clause, le bailleur ne dispose pas de la faculté de s’opposer purement et simplement à la cession du fonds d’officine ou des titres de la société exploitant la pharmacie. A l’inverse, il est en droit d’interdire la cession du seul droit au bail.
Pour autant, les parties peuvent aménager lesdites clauses afin d’assurer la protection des intérêts du bailleur, pouvant ainsi aboutir à des cessions complexes, voire à leur échec.
Un formalisme particulier
Le bailleur sera particulièrement attentif à l’hypothèse d’une cession dans la mesure où elle est susceptible de conduire à un changement de locataire qu’il n’aura pas choisi.
Pour cette raison, et de manière générale, un formalisme peut être imposé en cas de cession, qu’il conviendra de respecter sous peine de nullité (par exemple : appel du bailleur à concourir à l’acte dans un délai minimal, communication préalable du projet de cession, obtention d’un agrément du bailleur sur la personne du candidat acquéreur selon ses capacités financières et/ou sa notoriété, cession à réaliser devant notaire …).
Les droits de préférence
Le propriétaire peut également se ménager un droit de préférence conventionnel, pouvant être bloquant pour les opérations projetées par la pharmacie. En effet, la prudence est plus que nécessaire face à ce type de clauses.
Celles-ci peuvent, non seulement, octroyer au bailleur, une priorité en cas de cession ou d’apport du fonds d’officine mais également en cas d’apport ou de cession des titres de la société exploitant l’officine. Le fait que le bailleur ne présente pas de diplôme en pharmacie ne vous protégera pas pour autant, puisqu’il est généralement prévu une clause de substitution qui lui offrira la possibilité d’en faire bénéficier la personne physique ou morale qui lui conviendra.
Les clauses de solidarité
Les baux commerciaux contiennent fréquemment des clauses de solidarité protégeant le bailleur contre les impayés du repreneur.
Ces clauses, dont la durée ne peut excéder une durée de 3 années à compter de la cession, obligent le locataire à devenir garant des dettes locatives de son repreneur.
Certains baux vont même jusqu’à prévoir une clause de solidarité inversée, c’est-à-dire que le repreneur se tient garant des dettes du locataire sortant vis-à-vis du bailleur.
Il faut donc avoir conscience qu’un bail commercial peut encore produire des effets bien que vous n’exploitiez plus dans les locaux.
En conclusion, la rédaction du bail commercial doit attirer votre attention puisqu’elle aura nécessairement un impact économique sur votre activité. N’hésitez pas à négocier les clauses essentielles et à vous rapprocher d’un spécialiste en la matière pour vous assurer de la défense de vos intérêts.
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